LA PERIODE REVOLUTIONNAIRE
Quelques événements
Bien que cette période ne soit pas très ancienne, il est difficile de connaître tous les événements qui se sont produits à Lissac ou qui ont concerné ses habitants pendant cette époque mouvementée. Nous n’avons pu consulter notamment les registres des délibérations municipales qui permettraient de suivre les préoccupations et les actions de la commune.
On peut penser qu’après l’élan patriotique de la première année, les difficultés intérieures et extérieures qui ont suivi (évolution du régime, guerres, lutte contre l’Eglise, exaspération des habitants face aux réquisitions, notamment de vivres, désertion des soldats réquisitionnés pour la défense des frontières, menées contre-révolutionnaires) ont donné lieu, même dans un petit village comme Lissac, à discussions, résistances, voir désordres qu’il serait intéressant de découvrir.
On donnera ci-après, de manière chronologique, quelques événements de cette période relevés pour la plupart dans les archives communales (ADA, mairie de Lissac).
A noter qu’à la formation du département de l’Ariège en 1790, Lissac faisait partie du district de Mirepoix-Pamiers dont l’administration était à Mirepoix de février 1790 à mai 1794.
- 25 mars 1789
Assemblée de la communauté de Lissac pour la nomination de ses représentants à l’élection des députés du tiers-état de la sénéchaussée de Pamiers aux Etats-Généraux convoqués le 1° mai 1789.
- 6 juillet 1792
Fin du ministère de Pierre Dubarry neveu, curé de Lissac. Pierre Dubarry oncle et Pierre Dubarry neveu émigrent en Espagne ; ils passent probablement la frontière à Puigcerda en septembre 1792. Pierre Dubarry neveu meurt en exil en mai 1793.
- 12 août 1792
Procès-verbal de la municipalité de Lissac concernant les rétractations de serment qui auraient été faites par les curés Dubarry : « Le susdit curé et son oncle s’étant présentés à la présente assemblée ont répondu qu’ils n’ont fait aucun serment et par conséquent aucune rétractation et ont signé leur réponse ».
-7 septembre 1792
M. Laroche, ancien curé d’Auterive, prêtre constitutionnel, signe son premier acte comme curé de Lissac.
- 1° mars 1793
Les administrateurs du Directoire du district de Mirepoix font savoir au maire qu’il est tenu, pour le salut de la République, de faire fabriquer les piques nécessaires pour les hommes de la commune en état de porter les armes et non armés de fusils.
- 13 Avril 1793 (« 13 avril l’an deux de la république »)
Fourniture d’un contingent de huit hommes par la commune de Lissac ; conduits à Mirepoix par Amouroux, officier municipal, trois sont retenus (Jean Delpech, Barthélémy Vernière et Paul Delbreil), les cinq autres réformés. La municipalité est invitée à assembler les jeunes gens de la commune pour compléter le contingent imposé.
- Mai 1793
Réponse d’Amouroux au district de Mirepoix qui avait donné l’ordre aux municipalités d’envoyer à Mirepoix tous les tailleurs et cordonniers pour y être employés, avec un salaire raisonnable, à faire des habits et des souliers pour les défenseurs de la patrie de l’armée des Pyrénées.
- 3 juin 1793
Le comité de Saverdun demande à la commune de Lissac de lui fournir le linge le plus vieux qu’il y aura chez les habitants pour faire de la charpie ou des bandes, à l’usage et au soulagement des braves volontaires blessés.
Lissac envoya environ cent soixante dix livres de vieux linge.
- 3 juillet 1793
Les administrateurs du district de Mirepoix demandent un état des biens des émigrés.
- 8 juillet 1793
Les administrateurs du district de Mirepoix envoient au maire le décret de la Convention nationale du 2 juin 1793 enjoignant aux maires de faire saisir et mettre en état d’arrestation les personnes suspectes d’aristocratie et d’incivisme.
« Nous espérons, citoyens, que vous apporterez tout le zèle possible et la plus grande activité à son exécution ».
- 23 au 28 août 1793
Rassemblement de contre-révolutionnaires en basse Ariège : soulèvement dit « de
la Boulbonne ».
Le 26 août, un groupe de déserteurs se rend au château de La Tour à Labatut, chez M. Bonfontan, et au château de Lissac, chez M. Duvivier.
- 4 septembre 1793 (« l’an 2° de la république une et indivisible »)
Réforme de quatre citoyens de Lissac « trop petits et faibles de corps » : Paul Baudouy, Grégoire Mesplié, Bernard Salvaing, Jean Lacombe cadet.
- 15 décembre 1793 (25 frimaire an II, voir calendrier républicain note page 118)
Le maire et les officiers municipaux se transportent dans les greniers des propriétaires et y trouvent 121 sétiers 2 mesures de blé.
Ils en envoient 24 sétiers 2 mesures au district de Mirepoix.
- 31 janvier 1794 (12 pluviôse an II)
Le substitut délégué près le district de Mirepoix adresse au maire la lettre suivante :
« Citoyen,
J’ai reçu l’extrait du verbal portant épuration du corps municipal de la commune, la municipalité qui était en fonction avant la dite épuration doit continuer ses fonctions jusqu’à ce qu’il ait été autrement ordonné. Ceux qui ont été nommés aux lieux et place de ceux qui étaient en place n’ont pas le droit d’exercer, en conséquence, ils ne peuvent troubler la municipalité qui se trouve actuellement en place, c’est à dire celle qui y était avant la dite épuration ».
- 18 mai 1794 (29 floréal an II)
Les officiers municipaux délivrent un certificat de civisme au citoyen Duvivier :
« Le 29 floréal an II, dans la maison commune. Assemblés en conseil général, les citoyens Jean Amouroux, Jean Cazaux, officiers municipaux ; Pierre Colombiès, agent national pour l’exécution des Lois ; François Gillet, Jean Pierre Bouffil, Pierre Lacombe, J. Lapeyre, notables, formant le conseil général, lesquels après avoir entendu l’agent national, certifient que le citoyen Pierre Duvivier, ex-noble, n’a jamais donné aucune marque d’incivisme depuis le commencement de juillet 1789 c’est-à-dire, depuis la Constitution ; lequel s’est toujours conduit en très bon citoyen et patriote bon républicain. C’est pourquoi le présent certificat lui fut donné ».
Ce certificat a été affiché pendant trois jours à la porte de la mairie et personne n’a fait opposition.
- 18 mai 1794 (29 floréal an II)
Vente à Mirepoix des biens (maisons et pièces de terre) des curés Dubarry, de Lissac, en tant que biens nationaux provenant d’émigrés. Le 19 juin (1° messidor), vente à Lissac de leurs meubles et effets.
- 11 janvier 1795 (23 nivôse an III)
La commune de Lissac est invitée par celle de Saverdun à faire porter dans le courant de la même décade, à l’atelier du salpêtre, toutes les cendres qu’elle pourra se procurer.
- 22 octobre 1797 (1 brumaire an VI)
L’agent municipal de Lissac déclare devant l’administration du canton de Saverdun que le citoyen L’Héritier, ex-curé de Cintegabelle, a toujours été absent et que Dubarry, ex-curé de Lissac, « n’est pas encore sorti ».
- 7 au 10 août 1799 (20 au 23 thermidor an VII)
Insurrection royaliste dans la région toulousaine et l’Ariège : événements à Lissac.
- 24 mars 1800 (4 germinal an VIII)
Mort à Lissac de Pierre Dubarry oncle à l’âge de 82 ans.
L’assemblée de la communauté le 25 mars 1789
Pour la réunion des Etats généraux convoqués par le roi pour le I° mai 1789, la sénéchaussée de Pamiers devait élire quatre députés : un du clergé, un de la noblesse et deux du tiers-état.
Pour la désignation des députés du tiers-état, l’élection eut lieu à deux degrés : chaque communauté désigna d’abord deux ou quatre représentants (selon le nombre de feux), puis tous ces représentants réunis en assemblée à Pamiers à partir du lundi 30 mars 1789 élirent leurs deux députés, MM. Vadier de Pamiers et Bergasse-Laziroule de Saurat, et rédigèrent les cahiers de doléances du tiers-état en prenant en compte les vœux émis par les communautés.
A Lissac, la désignation des députés de la communauté à l’assemblée de Pamiers eut lieu le 25 mars 1789. L’assemblée des habitants, convoquée dans l’église paroissiale « au son de la cloche en la manière accoutumée » désigna Jean Vidal, premier consul, et Jean Amouroux, syndic, pour les représenter à Pamiers.
Les deux consuls, Jean Vidal et Antoine Esperce, 11 conseillers politiques et 44 habitants participèrent à cette assemblée dont on trouvera ci-après le procès-verbal qui en a été rédigé (orthographe conservée).
« Procès-verbal d’assamblée de la commté. de Lissac pour la nomination des députtés.
Aujourd’hui vingt cinq mars mille sept cent quatre vingts neuf, en lassamblée convoquée au son de la cloche en la manière accoutumée sont compareus dans leglise paroissiale du lieu de Lissac, par devant nous Jean Vidal premier consul dud. lieu sous l’absence de M. le juge duement invitté. Les Srs Antoine Esperce second consul, Jean Louis Micheau, Pierre Lacombe, François Gillet, Jean Lapeÿre, Jacques Lapeÿre, Henrÿ Gaubert, Antoine Cassaing, Jean-Pierre Bouffil, François Lacombe, Jean Bouffil, Pierre Rodes, tous conseillers politiques, Bernard Lacombe, Bernard Gaubert, Simon Marty, Jean Cazeaux, Raÿmond Jean, Blaise Gaubert, Antoine Fluziès, Jacques Déjean, Bernard Cazajeus, Jean-Pierre Cazajeus, Jean Micheau, Jean Pierre Bouffil, Henrÿ Bouffil, Martial Esquivier, Pierre Castex, Raymond Castex, Jean Gaubert, Antoine Flourac, Paul Mercadié, Jean Delpech, François Arbefeuille, Germain Nicol, Pierre Salomon, Jean Salvaing, Joseph Dargent, Jacques Talaÿra, Bertrand Mercié, Antoine Brousse, Bertrand Abribat, Grégoire Lacombe, Jean Cazalbou, Jean-Pierre Martÿ, Paul Burbail, Etienne Vacquié, Antoine Castéras, Jean Saliès, Pierre Colombiès, Jean Mesplié, Bernard Gaubert, Bernard Amourous, Jean Rouch, Jean Amourous, Vital Brousse, Jean Castex, tous habitants dud. Lissac, les absents duement appellés, ensemble le Sr Félicien Laroche, procureur juridl. tous nés français ou naturalisés, agés de vingt cinq ans, compris dans les rolles des impositions, habitants de la présente communauté de Lissac composée de quatre vingts feus, lesquels pour obéÿr aux ordres de sa maiesté portés par ses lettres données à Versailles le vingt quatre janvier 1789, pour la convoquation et tenue des Etats généraux de ce roÿaume et satisfaire aux dispositions du règlement ÿ annexé, ainsÿ qua l’ordonnance de M. Le Sénéchal de pamiers ou M. son Lieutenant Général, dont ils nous ont déclaré avoir une parfaitte connaissance, tant par la lecteure qui vient de leur en être faitte, que par la lecteure et publication cÿ devant faittes au pronne de la messe de paroisse par M. le curé le vingt duzième du courant et par la lecteure et publication et affiches pareillement faittes le même jour, a lissue de lad. messe de paroisse, au devant de la porte principalle de léglize, nous ont déclaré qu’ils aloint d’abord s’occuper de la rédaction de leurs Caÿers de Doléances, plaintes et remontrances, et en effait ÿ aient vaqué, ils nous ont représenté led. caÿer, qui a été signé par ceux desd. habitants qui savent signer, et par nous, après l’avoir cotté par première et dernière page, et paraffé né variatur au bas d’icelles.
Et de suite lesd. habitans, après avoir murement délibéré sur le choix des députtes qu’ils sont tenus de nommer en conformité des dittes lettres du roi, et règlement y annexé, et les voix ayant este par nous recuillies, en la manière accoutumée la plurallité des sufrages s’est réunie en faveur des Srs Jean Vidal premier consul, et Jean Amourous sindic qui ont accepté lad. commission et promis de s’en acquiter fidellement.
Lad. nomination des députtés ainsÿ faitte, lesd. habitans ont, en notre présence, remis auxd. Srs Vidal et Amourous leurs députtés, le caÿer afin de le porter a lassamblée qui se tiendra le lundÿ trentième du présent mois a huit heures du matin à la ville de Pamiers devant M. le Lieutenant Général, et leur ont donné tous pouvoirs requis et nécessaires, a leffait de les représenter en lad. assamblée, pour touttes les opérations prescriptes par lordonnance susditte de M. le Lieutenant Général, comme aussÿ donnent tous pouvoirs genereaux et suffisans de proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les bezoins de letat, la réforme des abus, letablissement d’un ordre fixe et durable dans touttes les parties de ladministration, la prospéritté généralle du roÿaume, et le bien de tous et de chacun des sujets de Sa Majesté.
Et de leur part les d. députtés se sont présentement chargés du caÿer des doléances de lad. communauté de Lissac, et ont promis de le porter alad. assemblée et de se conformer atout ce qui est prescript et ordonné par les dittes lettres du Roÿ, règlement ÿ annexé et ordonnance susdattée. Desquelles nominations des députtés, remise des caÿers, pouvoirs et déclarations, nous avons à tous les susd. compareus donné acte, et avons signé avec ceux desd. habitans qui savent signer, et avec lesd. députtés notre présent procès verbal, ainsÿ que le duplicata que nous avons présentement remis auxd. députtés pour constater leurs pouvoirs ; et le présent sera depposé aux archives ou secrétariat de cette communauté, les dits jour et an.
Vidal, premier consul député
Jean Amouroux député Henri Gaubert
Micheau Gillet Jean Lapeyre
Boufil Lacombe G. Nicol
Jean Salies Pierre Colombiès
Jean Cazaux Marty
Laroche p jcel
Beaumel scr ».
Le soulèvement d’août 1793
En juin 1791, devant le risque de guerre, l’Assemblée constituante avait décidé d’établir dans chaque département une conscription libre de gardes nationaux volontaires. Plus tard, en février 1793, la Convention décidait de mobiliser trois cent mille hommes pour défendre les frontières contre la Prusse, l’Autriche et leurs alliés ; mais le volontariat s’était transformé en volontariat avec prime, ou en désignation par élection ou tirage au sort.
Dans les années 1792 et 1793, l’Ariège a donné six bataillons de volontaires. Cette mobilisation croissante d’hommes fit que beaucoup n’étaient plus volontaires pour défendre les frontières et leur désignation en amena un grand nombre à déserter.
Dans l’été 1793, de nombreux déserteurs se cachaient en basse Ariège notamment dans les bois entre Saverdun et Gaillac-Toulza. Ils se déplaçaient la nuit à la recherche de nourriture et faisaient des dégradations de récoltes, des pillages dans les maisons et même des agressions de personnes. Début août, devant cette insécurité, les délégués des municipalités réunis à Saverdun (communes d’Unzent, Canté, Labatut, Lissac, Saint-Quirc, Gaillac-Toulza, Le Vernet, Justiniac, Brie, Esplas et Saint-Martin) décidèrent de fournir des hommes pour aider l’armée à les arrêter (1).
La levée en masse demandée à la Convention par les représentants des départements, en août 1793, accrut encore le mécontentement ; quelques contre-révolutionnaires en profitèrent pour provoquer un rassemblement de déserteurs dans la plaine de la Boulbonne (entre Pamiers et Montaut). Les instigateurs étaient de La Bastide de Garderenoux (aujourd’hui La Bastide de Lordat), notamment Joseph Layrix et ses amis ; ils voulaient ainsi s’opposer à cette nouvelle levée de troupes.
Un premier rassemblement d’une centaine de personnes eut lieu le 23 août, mais, en l’absence des représentants de Pamiers, les conjurés se séparèrent en décidant de récupérer des armes dans les villages voisins et se donnèrent rendez-vous à Montaut pour le dimanche 25 août.
Des déserteurs circulaient à nouveau autour de Canté, Labatut, Lissac et Saint-Quirc. Il y aurait eu quatre ou cinq mille hommes autour de Saint-Quirc.
S’en prenant aux patriotes, quelques-uns d’entre eux conduits par Jean Barès, dit Le Prince, tuèrent le soir du 24 août Pierre Moncla, marchand de tabac de Saverdun, sur la route de Saverdun à Lissac, à hauteur de Canté.
Le citoyen Boy, officier municipal de Saverdun, revenant avec Moncla du marché de Gaillac fut également agressé, et évita un coup de feu tiré dans sa direction ; il fut obliger de se retirer chez le maire de Canté pour y passer la nuit. Il fit le lendemain 25 août, dans la maison commune de Saverdun, une déposition dans laquelle il raconte l’événement ainsi que le vacarme (menaces contre le maire, coups de fusil, vol d’armes) fait par les déserteurs toute la nuit dans le village de Canté (2).
Malgré une extension du mouvement, il n’y eut que six cents personnes au rassemblement du 25 août à Montaut et quelques troubles. Les conjurés ne se trouvant pas assez nombreux pour lutter contre les administrateurs du département ou rejoindre les Espagnols à la frontière, ils remirent à nouveau le rassemblement au 28 août.
Il y eut encore quelques désordres autour de Canté, Labatut, Lissac, Gaillac ; dans la soirée du 26 un groupe de déserteurs se rendit au château de La Tour à Labatut, chez Bonfontan, et au château de Lissac, chez Duvivier.
Dans sa déposition du 11 septembre 1793 devant le tribunal de police de Saverdun, Jean Mercadier, 20 ans, habitant Saverdun, raconte ce déplacement au cours duquel deux fusils furent saisis à Lissac chez Duvivier (3).
Dans la nuit du 25 au 26 les conspirateurs de La Bastide avaient été arrêtés (sauf Joseph Layrix qui réussit à s’échapper) et le rassemblement du 28 août échoua comme les précédents. Les meneurs furent arrêtés par une force armée venue de Toulouse ; ils furent jugés et condamnés par le tribunal criminel de Foix en septembre 1793 : l’un d’entre eux, Paul Castel, de La Bastide, fut condamné à mort et exécuté à Foix et quelques autres à la déportation en Guyane. Les déserteurs meurtriers de Moncla furent jugés en avril 1794 (condamnation à mort de Jean Barès, accusé contumax).
Accusés de ne pas être intervenus contre le rassemblement de Montaut, Cazes, Tisseire, Voisard et Dardigna, autorités locales (4), furent arrêtés le 11 octobre. Condamnés à mort à Paris par le Tribunal révolutionnaire, peut-être à cause de la rancune personnelle de Vadier, originaire de Pamiers et président du Comité de sûreté générale, ils furent guillotinés le 16 juillet 1794 - 28 messidor an II du calendrier républicain (5) - soit onze jours avant la fin de la Terreur.
NOTES
1.- Sur le soulèvement d’août 1793, soulèvement dit de la Boulbonne, voir G. Arnaud, Histoire de la Révolution dans le Département de l’Ariège, Toulouse, Privat, 1904, p.406.
2.- Extraits de la déposition du citoyen Boy, de Saverdun, effectuée le 25 août dans la maison commune de Saverdun, sur les événements de la veille à Canté :
Avant de subir l’attaque des déserteurs et suivant Moncla à quelques pas, il avait croisé Raymond Paris, officier municipal de Canté et le citoyen Oustric, dit Poubil. Paris lui avait conseillé de venir chez lui car, lui dit-il, « ce matin, passant au Lion d’Or, j’ai entendu certains propos qui ne dénotent rien de bon ».
Ayant fait quelques pas, « il a aperçu quatre hommes armés qui, avec un pas précipité sortant d’une pièce de gros mil tout près, remontant le long de la Galage et qui paraissaient venir vers lui, qu’alors la peur l’ayant saisi surtout en s’apercevant que deux de ces quatre hommes se détachaient pour venir joindre le premier qui était sur le dit chemin, il a rebroussé à toute course pour aller rejoindre les dits citoyens Paris et Oustric, en criant au citoyen Moncla de se retirer vite à Canté ; que s’enfuyant, il a entendu une voix qui lui a dit « Allons, f… bougre, il faut que je te tue » et que dans ce moment, il lui a été tiré un coup de fusil chargé à mitraille dans le ruisseau de la Galage où il avait eu le temps d’arriver, sans qu’il en ait été atteint sur le corps parce que le tertre du ruisseau l’en garantit ».
Il reconnut Jean Cazajus, Barès et Jean-Pierre Cazajus dit La Lune, déserteurs de Saverdun.
Ayant rejoint Canté avec les citoyens Paris et Oustric, ils allèrent chez le citoyen Bonny, maire, pour lui raconter ce qui venait de se passer et lui demander de requérir la garde nationale pour donner du secours au citoyen Moncla.
L’heure tardive empêchait de se rendre sur les lieux le soir même ; le maire de Canté invita Boy à passer la nuit chez lui.
Après dix heures du soir, étant couchés, ils entendirent un grand vacarme dans le village en distinguant principalement et intelligiblement les propos « Allons, f…maire de m…, sors si tu l’oses ; tu veux nous faire obéir à la loi, nous te décapiterons. A bas la république et vive le roi ! » répétés plusieurs fois. Les déserteurs tiraient des coups de fusil et frappaient à la porte avec le marteau et à grands coups de bâton en répétant « Sors si tu l’oses ! ». Ils se sont ensuite répandus dans le village et se saisirent des fusils et des piques qui étaient dans le petit arsenal de la maison de ville et d’un fusil chez le citoyen Cantegrilh, forgeron.
S’étant levé après une nuit sans sommeil, il est parti de Canté avec les citoyens Fanjaux et Ourgaud pour se rendre chez lui et « en passant dans le grand chemin vis-à-vis une pièce de terre à deux cents pas de la Galage, ils ont trouvé à sept ou huit pas en dedans de la dite pièce le cadavre du dit citoyen Moncla qui avait un sac en écharpe où il portait le tabac qu’il allait vendre ».
ADA, 8 L 37, chemise 4, Attroupements en Boulbonne.
3.- Extraits de la déposition de Jean Mercadier, 20 ans, de Saverdun, effectuée le 11 septembre 1793 devant le Tribunal de police de Saverdun sur le déplacement des déserteurs à Labatut et Lissac le soir du 26 août :
Carol, les deux fils de Pierre Barès et autres passant par la métairie de Galaphot, le menacèrent que « s’il n’allait pas avec eux à Labatut, il s’en repentirait ». Effrayé, il les suivit à Labatut « où ils soupèrent tous ensemble au château de Bonfontan sans savoir si ses collègues payèrent les frais du repas ».
Passant par Lissac, « lui et ses camarades frappèrent à la porte du citoyen Duvivier vers les onze heures du soir pour lui demander de leur donner un coup à boire ; ce que le dit citoyen Duvivier accueillit d’une manière à leur répondre qu’au lieu d’un coup il leur en donnerait deux. Et après avoir mangé et bu, lui et ses camarades résolurent, au nombre de trente à trente cinq, après avoir vu chez le citoyen Duvivier deux fusils, de les enlever, ce qu’ils exécutèrent par les mains de Pierre Mailhol et de Jean-Pierre Cazajus ; le dit citoyen Duvivier les pria de lui dire quelles étaient les personnes qui les prenaient afin de pouvoir rendre compte à ceux qui les demanderaient ».
Il rejoint ensuite seul ses camarades à Montaut en passant « par notre pont » et ignorant la route que ses camarades prirent pour se rendre au dit Montaut.
Interrogé pour savoir « où lui, Pierre Mailhol, Jean-Pierre Cazajus dit Lune, Rouyre, Beilhes, Jean Séguéla, Dominique Mercadier et Carol avaient rassemblé le nombre de trente à trente cinq où ils étaient chez le citoyen Duvivier pour se rendre à Montaut », Jean Mercadier répond que « le rassemblement se renforça à Lissac par les citoyens de Canté ou des environs, sans savoir comment et que la vérité est que, quoique il ait déclaré dans son premier interrogatoire qu’ils n’étaient que dix ou onze avec lui qui dépose, la vérité néanmoins est que lorsqu’ils furent rendus pour souper au dit château de Bonfontan, ils se trouvèrent au nombre de trente quatre ou trente cinq ».
Il dit aussi qu’il n’a pas connu le rassemblement de Canté du 25 août et n’a appris la mort de Moncla « que par les citoyens du Vernet qui venaient vendre des prunes dans cette ville ».
ADA, 8 L 37.
Des témoins contre Jean et François Barès furent interrogés les 21 et 22 germinal an II (10 et 11 avril 1794), lors du procès devant le Tribunal criminel de l’Ariège à Foix, dont Pierre Gaston Duvivier, 70 ans, cultivateur à Lissac.
Pierre Gaston Duvivier déclara que « vers les dix ou onze heures du soir, on heurta à la porte de sa maison, qu’il entra successivement dans le salon plusieurs individus dont les uns étaient armés de fusils et les autres n’avaient que des bâtons, que le déclarant leur fit donner du vin et du pain et entendit certains d’entre eux dire qu’ils étaient mécontents de la municipalité de Saverdun, et principalement des protestants pour les avoir fait tomber à l’inscription (?) et qu’ils étaient prêts à partir lorsque tout le monde partirait, qu’on lui prit deux fusils, dont Cazajus et Mailhol répondirent suivant qu’il leur fut dit sur la demande par lui faite tendant à savoir qui lui répondrait de ces deux fusils, dit encore qu’on lui demanda s’il avait des munitions, à quoi il répondit que non ».
ADA, 8 L 37.
4.- Cazes était juge de paix, Tisseire commandant de la garde nationale, Voisard procureur et Dardigna secrétaire de la commune de Montaut.
5.- Calendrier républicain.
Le 22 septembre 1792, la Convention décide que tous les actes publics seront désormais datés de l’an I de la République française mais ce n’est que le 5 octobre 1793 qu’elle adopte le nouveau calendrier républicain qui entre en vigueur le lendemain, 15 vendémiaire an II.
Dans le calendrier républicain, l’année commençait le 22 septembre, jour de l’équinoxe d’automne. Elle était partagée en 12 mois de 30 jours chacun, plus 5 jours complémentaires qui devaient être consacrés à la célébration des fêtes républicaines. Le mois était divisé en trois dizaines ou décades ; le nom des jours était tiré de l’ordre naturel de la numération : primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi, décadi.
22 septembre 1792 - 21 septembre 1793 : an I
22 septembre 1793 - 21 septembre 1794 : an II
…
Automne : Printemps :
22 sep. - 21 oct. : Vendémiaire 21 mars - 19 avr. : Germinal
22 oct. - 20 nov. : Brumaire 20 avr. - 19 mai : Floréal
21 nov. - 20 déc. : Frimaire 20 mai - 18 juin : Prairial
Hiver : Eté :
21 déc. - 19 jan. : Nivôse 19 juin - 18 juil. : Messidor
20 jan. - 18 fév. : Pluviôse 19 juil. - 17 aoüt : Thermidor
19 fév. - 20 mars : Ventôse 18 aoû. - 16 sep. : Fructidor
17, 18, 19, 20, 21 septembre : jours sans-culottides (jours complémentaires).
Le calendrier républicain, utilisé pendant treize ans, fut remplacé par le calendrier grégorien le 1° janvier 1806.
La vente des biens des curés Dubarry
Nous avons vu que les curés de Lissac, Pierre Dubarry oncle et neveu, ont émigré en Espagne en septembre 1792 comme de nombreux prêtres réfractaires.
La vente de leurs biens, en tant que biens nationaux provenant d’émigrés, eut lieu en deux parties:
- à Mirepoix pour les maisons et pièces de terre, première criée le 29 floréal an II (18 mai 1794), les actes d’adjudication étant du 22 prairial an II (10 juin 1794). Ces biens consistaient en une maison, une remise et huit pièces de terre dont on trouvera le détail (affiche imprimée pour cette vente) et les acquéreurs ci-après (ADA, Q 62 et Q 22).
- à Lissac pour les effets et meubles le 1° messidor an II (19 juin 1794), date du procès-verbal de cette vente effectuée par Antoine Sarrut, juge de paix du canton de Saverdun, d’après l’inventaire du 18 brumaire an II (8 novembre 1793). Jean Amouroux et Jean Cazeaux, officiers municipaux, et Jean-Louis Micheau, greffier, assistaient M. Sarrut (ADA, Q 40).
Trente quatre ans après, en exécution de la loi du 27 avril 1825, Marie Bernarde Dubarry, sœur et nièce des anciens curés, leur unique héritière, fut indemnisée de cette dépossession le 21 novembre 1828 par une indemnité de 4632,75 francs.
AFFICHE IMPRIMEE
PREMIERE PUBLICATION
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VENTE DES BIENS NATIONAUX PROVENANT
D’EMIGRES
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DEPARTEMENT DE L’ARIEGE , DISTRICT
DE MIREPOIX, CANTON DE SAVERDUN,
MUNICIPALITE DE LISSAC
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On fait savoir que le 29° floréal de l’année républicaine, 2° année républicaine, à 9 heures du matin, au lieu ordinaire des séances du Directoire du District de Mirepoix, il sera procédé devant les administrateurs du Directoire du District, à la première criée des biens nationaux provenant de Pierre Dubarry neveu et de Pierre Dubarry oncle, prêtres émigrés, et ci-après détaillés, pour être les dits biens vendus et adjugés définitivement, le jour qui sera annoncé par d’autres affiches, au plus offrant et dernier enchérisseur.
SAVOIR :
Ceux de Pierre Dubarry neveu :
Une pièce de terre labourable au quartier de la Reulle, contenant un setier sept mesures deux boisseaux, confronte du levant Jean-Louis Micheau, midi chemin, couchant Marie Dubarry et septentrion le citoyen Lafage, habitant de Cintegabelle, estimée sept cents livres, ci 700
Plus terre labourable au quartier dit à Bounel, contenant un setier une mesure trois quarts de boisseau, confronte du levant, midi et couchant Philippe Bonfontan, et septentrion Guillaume Lapeyre, estimée cinq cent cinquante livres, ci 550
Plus terre labourable et vigne, au quartier dit le coustou de Lafont, contenant deux mesures un quart de boisseau, confronte du levant Jean-Louis Micheau, midi le ruisseau, couchant François Gillet et septentrion chemin public, estimée cent cinquante livres, ci 150
Plus une pièce de terre labourable, au quartier dit de la Digue contenant un setier cinq mesures un quart de boisseau, confronte du levant chemin public, midi le tenancier et le citoyen Tersac, fossé entre deux, couchant chemin, et septentrion François Gillet, Pierre Lacombe et chemin de Lissac aux Galaffes, estimée huit cent livres, ci 800
Plus terre labourable au quartier de la Digue contenant une mesure un boisseau et demi, confronte du levant chemin public, du midi Jean Amouroux, couchant le citoyen Tersac et septentrion le tenancier, fossé entre deux, estimée quatre vingt dix livres, ci 90
Plus autre pièce de terre, vigne, au quartier dit al Pouqua, contenant un setier une mesure trois boisseaux, confronte du levant Jean Cazalbou, midi chemin public, couchant Marie Dubarry, Jean Lapeyre et Henry Bouffil et septentrion François Charrier, estimée deux cent cinquante livres, ci 250
Plus un jardin contenant un boisseau un tiers, traversé par le nouveau canal du ruisseau de Lissac, confronte du levant François Gillet et la Veuve Couzinet, midi Jean Rouch, couchant Henry Bouffil et septentrion le communal estimé cent livres, ci 100
Plus une maison au dit Lissac, avec granges, écuries, cave et basse-cour, le tout contigu, contenant en corps deux boisseaux un quart, confronte du levant chemin public, midi rue publique, couchant Jean-Louis Micheau et septentrion le dit Micheau, estimée deux mille deux cent quarante livres, ci 2240
Ceux de Pierre Dubarry oncle :
Un jardin contenant un boisseau confronte du levant chemin public et le Planol de la commune, midi et couchant Pierre Colombiès et septentrion la Veuve Couzinet, estimé cent livres, ci 100
Finalement un tinal contenant un quart de boisseau, confronte du levant François Gillet, midi Pierre Salomon, couchant rue publique, estimé soixante livres, ci 60
ACQUEREURS DES BIENS DE
MM. DUBARRY ONCLE ET NEVEU
Nom, prénom et domicile de l’acquéreur. Désignation du bien vendu et situation.
(Revenu valeur en 1790 Estimation). Montant de l’adjudication.
AMOUROUX Jean de Lissac. Article n° 1 situé à Lissac.
(700 livres). 1025 livres.
VIDAL Jean de Lissac. Article n° 2 situé à Lissac.
(550 livres). 1800 livres.
FOURTOU Jean de Saint-Quirc. Article n° 3 situé à Lissac.
(150 livres). 535 livres.
SALIES Jean-Mathieu de Toulouse. Article n° 4 situé à Saint-Quirc.
(800 livres). 2400 livres.
FOURTOU Jean de Saint-Quirc. Article n° 5 situé à Saint-Quirc.
(90 livres). 305 livres.
LAUZERTE Jean de Lissac. Article n° 6 situé à Lissac.
(250 livres). 910 livres.
BOUFFIL Paul de Lissac. Article n° 7 situé à Lissac.
(100 livres). 155 livres.
AMOUROUX Jean de Lissac. Article n° 8 situé à Lissac.
(2240 livres). 2700 livres.
BOUFFIL Paul de Lissac. Article n° 9 situé à Lissac.
(100 livres). 380 livres.
TALAYRA Jacques de Lissac. Article n° 10 situé à Lissac.
(60 livres). 85 livres.
La maison et ses dépendances (article n° 8) étaient situées à l’angle fait par les chemins qui vont de Saverdun à Muret (l’actuelle route départementale) et de Lissac à Gaillac (l’actuelle rue du moulin), coin droit en montant vers le moulin, au bord du ruisseau (ancien lit du ruisseau qui traverse le village).
Le « tinal » (article n° 10), c’est-à-dire le local où se trouvait la cuve dans laquelle on faisait fermenter le raisin, était situé à gauche en montant vers le moulin. Ce local fera partie ensuite du presbytère.
NOMS DE FAMILLE RELEVES A LISSAC
ENTRE 1789 ET 1799
ABRIBAT, ALBY, AMOUROUX, ARBEFEUILLE, AUDOUY,
BOUFFIL, BOUSQUET, BROUSSE, BURBAIL,
CASSAING, CASTERAS, CASTEX, CAZAJUS, CAZALBOU, CAZAUX, COLOMBIES, COULONGES,
DARGENT, DEJEAN, DELPECH, DUBARRY,
ESPERCE, ESQUIVIER,
FLOURAC, FUZIES,
GAUBERT, GILLET,
ICART,
JEAN,
LACOMBE, LAFORGUE, LAPEYRE, LAUZERTE,
MARTY, MERCADIE, MERCIE, MESPLIE, MICHEAU, MIMART,
NICOL,
PAGNOU, PALMADE, PIC,
RODES, ROUCH,
SALIES, SALOMON, SALVAING, SOULIES, SICRE,
TALAYRA,
VACQUIE, VIDAL,
L’insurrection royaliste d’août 1799
En août 1799, la région de Toulouse fut le cadre d’une importante insurrection royaliste à partir de laquelle les insurgés souhaitaient créer un mouvement de grande ampleur dans le but de restaurer la royauté.
Elle a débuté dans la nuit du 17 au 18 thermidor an VII ( 4 au 5 août 1799) par le siège de Toulouse par cinq à six mille hommes armés de fourches, de faux et de fusils de chasse. Ces hommes étaient des paysans déserteurs de communes de Haute-Garonne et des départements voisins. Les départements de l’Ariège et du Lot-et-Garonne ainsi que les villes de Narbonne et Montpellier ont également été touchés par des insurrections.
Les insurgés ont été défaits à Toulouse le 7 août et écrasés le 20 août à Montréjeau par l’armée républicaine ; ils ont été contraints de se réfugier dans le Val d’Aran.
Deux mille royalistes ariégeois environ participèrent à cette insurrection sous les ordres du comte Jules de Paulo (1), très actif dans le soulèvement des royalistes de la région, et dont la famille possédait le château de Terraqueuse, près de Cintegabelle, où se trouvait le quartier général des insurgés.
Maître de Lézat et Cintegabelle, de Paulo et ses hommes voulaient soulever les villes de la basse Ariège. Ses troupes se dirigeant vers Pamiers, l’administration du département de l’Ariège envoya l’adjudant général Chaussey à la tête de forces républicaines à Pamiers pour s’opposer aux royalistes et marcher sur Lézat. C’est en se rendant de Saverdun vers Saint-Ybars, que Chaussey, avec cent trente hommes d’infanterie et trente cavaliers et ayant pour guide Guillaume Pédoussaut, ancien gendarme de Saverdun (2), se heurta à des insurgés à Lissac le soir du 20 thermidor (7 août). Le guide Guillaume Pédoussaut et un cavalier du 14° régiment furent grièvement blessés. Chaussey et ses troupes, après avoir fait treize prisonniers dans un cabaret (3), furent obligés de se replier à Saverdun puis à Pamiers ; ils affrontèrent les royalistes le lendemain, au Vernet, avant de rejoindre Saint-Ybars, Lézat et Rieux.
Dans son rapport adressé le 10 fructidor à l’administration centrale (4), l’adjudant général Chaussey écrit sur les événements à Lissac :
« Mon avant-garde, en arrivant à Lissac, commune distante de Saverdun d’une lieue et demie, fut assaillie par plusieurs coups de fusil. Les ombres de la nuit m’empêchèrent de voir d’où partaient les coups de feu ; la colonne s’arrêta à mes ordres. Je prenais des dispositions, à l’instant où un chasseur du 14° régiment des chasseurs à cheval est grièvement blessé d’un coup de fusil au bras : ce coup de feu est tiré de si près qu’il lui brûle la figure ; trois autres sont blessés de coups de fourches et de sabres, parmi lesquels était le guide que j’avais pris. La veille, la conspiration royale avait déjà éclaté dans la Haute-Garonne, je l’ignorais, et je n’avais point pensé que j’aurais à me défendre, sur ma route, des embuscades perfides des brigands royaux. Ils avaient de grands avantages sur moi, ils étaient supérieurs en nombre ; j’étais à découvert, ils étaient cachés derrière des tas de paille et des murailles, d’où ils nous attaquaient par les lucarnes, sans qu’ils puissent être atteints ; ils étaient sans doute instruits de mon approche, j’ignorais leur présence dans un pays dont la situation m’était inconnue. Néanmoins seize rebelles, armés de sabres et de fourches de fer, furent pris et conduits aux prisons de Foix ; un d’eux me dit que les brigands l’avaient forcé à marcher, et m’informa que 3 ou 400 étaient cachés dans un champ couvert de millet, à une petite distance de Lissac ; que si je faisais quelques pas, aucun des miens n’échapperait, me priant au nom de sa probité, de ne pas avancer. Dans les ombres d’une nuit obscure, dans un pays inconnu, sans guide, (celui que j’avais pris ne pouvant plus servir à cause de sa blessure) l’ennemi occupant des positions à l’abri de l’attaque, supérieur en nombre ; dans ces circonstances imprévues et pénibles, la prudence du chef doit modérer la fougue du soldat. J’appelai auprès de moi les officiers du détachement pour les consulter : il fut statué d’une voix unanime que nous nous replierions sur Saverdun, d’où nous étions partis à neuf heures du soir.
Le guide fut confié à l’agent municipal, sous sa responsabilité. Le chasseur fut porté à cheval, les deux autres blessés eurent assez de force pour suivre la colonne, en marchant. Nous arrivâmes en bon ordre à Saverdun, à deux heures du matin le 21 thermidor ».
A noter qu’auparavant, dans l’après-midi du 20 thermidor, Clément Micheau, de Saint-Quirc, avait été victime d’une tentative d’assassinat à son domicile par les insurgés royalistes.
L’administration du canton de Saverdun a désigné dans les principaux auteurs des troubles du 20 au 23 thermidor les habitants de Lissac suivants : Antoine Fusiès, dit Marquet (auteur de l’assassinat du chasseur à cheval du 14° régiment et de celui de Guillaume Pédoussaut), Jean Boufil, dit Pied Léger (invalide pensionné de la République), Sicre (jardinier), Guillaume Laforgue (ancien homme d’affaire de Bonfontan, à ce moment-là résidant à Lissac), Jean Boufil (tailleur). On relève également Jean Micheau neveu, de Saint-Quirc.
Ces événements donnèrent lieu à une enquête. L’agent municipal Cancel et l’adjoint Séré de Saverdun, l’agent municipal Vidal de Lissac firent un procès verbal des événements survenus dans leur commune ; des témoins de Lissac, Saint-Quirc, Canté, Justiniac, Brie, Esplas et Caujac furent entendus ainsi que le guide Pédoussaut. Tous ces récits permettent de se rendre compte de ce que pouvaient être les désordres créés par les insurgés dans un petit village lors de ce soulèvement régional. Nous donnons dans les notes un extrait des dépositions de Jean Vidal, agent municipal de Lissac, de Clément Micheau, agressé à son domicile à Saint-Quirc et du guide Guillaume Pédoussaut de Saverdun (5).
Il semble que le 18 brumaire acquitta les auteurs de ces événements (6).
NOTES
1.- Fils du sénéchal du Lauragais, le comte Marie Antoine Guillaume Jules de Paulo (1776-1804) avait émigré en 1792. Il avait servi dans l’armée contre-révolutionnaire de Condé et participé à l’insurrection de la Vendée. Sa famille possédait le château de Terraqueuse (sur les bords de l’Hers, entre Calmont et Cintegabelle), quartier général des royalistes pendant l’insurrection de 1799.
Il avait recruté son armée parmi les paysans de la Haute-Garonne et de l’Ariège. Après la défaite de Montréjeau, il se réfugia dans le Val d’Aran. Il revint à Terraqueuse après le 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799, coup d’état de Bonaparte) ; le château ayant été détruit, il fit construire une maison dans laquelle il vécut quelques années avec sa mère avant de mourir en 1804, à l’âge de 28 ans.
2.- Voir G. Arnaud, Guillaume Pédoussaut, Histoire d’un gendarme ariégeois sous la Révolution française, BSA, 1895-1896, p.122 à 133.
3.- Il s’agit du cabaret tenu par Jean Gaubert ; il se trouvait en face de l’église (aujourd’hui maison au coin de la place publique et de la rue des écoles).
4.- Voir Abbé Duclos, Histoire des Ariégeois, 1881, tome 3, p.308.
5.- Extraits de dépositions.
- Extrait de la déposition de Jean Vidal, agent municipal de Lissac, le 21 thermidor, sur les événements de la veille vers onze heures du soir.
«… me trouvant dans mon domicile ordinaire et couché dans mon lit, il survint à ma porte plusieurs gendarmes dont l’un d’entre eux est le brigadier de Saverdun, lequel ayant frappé, et le soussigné étant descendu pour connaître le motif de sa demande, le dit gendarme nous demanda s’il était vrai qu’il y eut des rassemblements dans le jour et dans la dite commune, à quoi je répondis affirmativement en lui assurant que vers les quatre heures du même jour et dans la dite commune les attroupés en très grand nombre avaient commis des excès graves sur la personne du citoyen Clément Micheau républicain de Saint-Quirc et dans son domicile, que les dits attroupés avaient vaqué dans les susdites communes et qu’ils étaient encore dans les environs un assez grand nombre ; les susdits gendarmes s’étant retirés bientôt après j’appris que le général qui commandait la troupe du département avait fait cerner la maison du citoyen Jean Gaubert, cabaretier du dit Lissac où se trouvait nombre d’attroupés qui furent saisis par la force armée. Pendant que les choses se passaient ainsi, un chasseur à cheval du quatorzième régiment qui se trouvait avec le général s’étant avancé sur le chemin de Saint-Quirc, un individu qu’on dit être Antoine Fusiès posté sur le dit chemin près de la cour (?) du citoyen Amouroux cria « Qui vive ? » au dit chasseur, lequel lui ayant répondu « Républicain », le dit Fusiès indigné de cette réponse lui dit « Oui, tu es républicain » et de suite lui lâcha un coup de fusil chargé à balle et à plomb, ce qui a été reconnu par la blessure et au même instant étant survenu sur le même lieu, le citoyen Guillaume Pédoussaut, guide de la troupe républicaine, le dit Fusiès, d’après la voie publique donna un coup très fort de la crosse de son fusil sur la tête du dit Pédoussaut et le renversa, profitant de ce moment de surprise, s’empara de son sabre et le blessa grièvement sur plusieurs parties de son corps au point que le dit Pédoussaut ne fut plus en état de marcher. Sur quoi, il s’engagea une fusillade très vive que la troupe républicaine fit sans succès sur plusieurs points, vu l’obscurité de la nuit. Le général des troupes républicaines fit différents mouvements, mais ne connaissant ni la force, ni la position des insurgés, après avoir fait conduire le chasseur à Saverdun et avoir mis le citoyen Pédoussaut chez moi et sous ma responsabilité, il prit le parti de se retirer à Saverdun. … ».
ADA, L 34.
- Extrait de la déposition de Clément Micheau, de Saint-Quirc, faite le 22 vendémiaire an VIII dans son domicile à cause de ses blessures, sur la tentative d’assassinat dont il fut victime chez lui à Saint-Quirc.
« …déclare que le 20 thermidor dernier vers les 3 heures de l’après midi, étant dans son domicile, il fut assailli par environ 150 brigands royaux qui, après avoir cerné sa maison dans laquelle il s’était clos, l’un d’entre eux, qu’il reconnut à la voix pour être Paul Boufil de Lissac, commanda à quelques autres de prendre la charrette du déposant qui était devant la porte et avec icelle l’enfoncer, ce qui fut exécuté par Antoine Fusiès père, son fils aîné et un nommé Cogût domestique à Marens qui, après avoir enfoncé la dite porte derrière laquelle était l’épouse du déposant qui fut renversée et meurtrie par le renversement de la porte et sur laquelle les dits Fusiès père et fils passèrent en la sautant sous leurs pieds, et entrèrent dans la cuisine en criant : « Où est-il ce brigand de Micheau, il faut l’assassiner », que ne l’ayant point trouvé au bas de la maison, où ils enlevèrent une poire à poudre pleine, un seau à plomb, où il y en avait deux livres et plusieurs balles de prêtes ( ?), ils montèrent sur le haut de la maison, où, après avoir fouillé dans le premier étage sans y trouver le déposant, ils descendirent ; que dans cet intervalle, Joseph Charrié, de Saint-Quirc, ayant placé une échelle à main au devant de sa porte, monta avec Fusiès fils et autres sur le toit, que lui qui dépose étant caché au galetas de sa maison et voyant qu’on découvrait la maison et qu’il allait être aperçu par la démolition de la cheminée à l’abri de laquelle il était, il prit le parti de descendre au premier appartement où il enfonça un mur de séparation de sa maison et celle de Mathieu Lacoste, que dans ce même moment où il était avec Jean Beaudouy, il aperçut le dit Cogût qui s’approchait de lui, que croyant qu’il allait pour y mettre la main dessus, étant nanti de son fusil, il y fit feu dessus sans l’avoir atteint, lequel s’étant retiré, le déposant entendit que le dit Paul Boufil disait : Prenez garde, il enfonce pour sortir de la maison par chez Mathieu Lacoste, il faut l’attraper et le tuer », qu’ayant entendu ces mots et voyant sa perte certaine, il se décida de sortir par la porte de derrière la maison du dit Lacoste et de fuir par les champs, qu’à peine sorti de la dite maison il rencontra Paul Beaudouy qui était posté entre la maison de Jean Laffont et celle de Mathieu Lacoste qui lui présenta et lui tira au même instant un coup de pistolet d’arçon qui l’atteignit sur la main gauche et sur la poitrine, que la blessure qu’il reçut alors du dit Beaudouy ne l’ayant point arrêté et fuyant à travers des jardins, il entendit le dit Beaudouy, tailleur de Lissac, crier : « Le voilà, il s’en va , courez vite », qu’alors tout l’attroupement se mit après lui tirant plusieurs coups de fusil dont un l’atteignit au bras droit ; ne sachant quels étaient ceux qui tiraient, qu’enfin un autre coup l’ayant atteint aux reins, les forces commencèrent à lui diminuer, et bientôt après il fut atteint par le maître valet jeune du Mouscaillat, commune de Cintegabelle, qui fut le premier qui le prit par les cheveux et l’arrêta, qu’ensuite arrivèrent Fusiès père, Fusiès fils, Jean Amouroux fils de Lissac qui frappa en arrivant le déposant de coups de sabre sur la tête, ainsi que Cazaux fils qui frappait à coups de sabre, Etienne Gillet fils à coups de crosse de fusil ; qu’alors ils décidèrent qu’il fallait le ramener chez lui, que les dits Amouroux et maître valet du Mouscaillat le traînaient tandis que Fusiès père et Gillet fils le bourraient à coups de crosse de fusil en proférant toujours contre lui les insultes les plus atroces et en lui disant : « Voilà la République » et voulant le forcer de crier : « Vive le Roi », ce qu’il ne voulut jamais faire ; qu’arrivé chez lui trois ou quatre femmes voisines accoururent pour lui donner du secours et le couchèrent sur un lit ; qu’après avoir passé là environ demi-heure, les dits Fusiès père et fils et Jean Boufil dit Péleugé demandèrent au déposant ses armes, à quoi il répondit qu’il avait ses deux fusils dans la maison sans savoir où et une vieille épée dans une armoire à l’appartement de derrière ; que l’ayant quitté ils furent s’en nantir et enlevèrent plusieurs effets de la maison et notamment une paire d’escarpins neufs ; après quoi le dit Fusiès père rentra dans l’appartement où était couché le déposant, le prit à bras le corps et le descendit devant la porte en lui disant qu’il fallait faire atteler sa charrette pour le porter à sa destination, à quoi il répondit qu’il était trop tard pour se faire charrier avec des bœufs, mais que Jean Ducasse irait avec sa charrette et son cheval ; que pour lors Paul Boufil ordonna qu’on format un rond pour fusiller le déposant, ce qui ne fut point fait par l’arrivée de la charrette sur laquelle le dit Fusiès père le coucha les yeux en l’air en lui disant : « Regarde les étoiles » et le dit Fusiès donna ordre à quelqu’un d’aller chez Micheau qui était chez Micheau neveu au Bézinat prendre leurs ordres, pour savoir ce qu’on ferait du déposant, que l’ordre fut donné par les dits Micheau de le porter dans la prison de Cintegabelle et furent le déposer dans la prison ; ayant déclaré en outre avoir connu dans le nombre des attroupés Guillaume Amouroux de Marens, Jean Boufil tailleur qui commandait le détachement de ceux qui le conduisaient aux prisons, Guillaume Laforgue l’agent d’affaire de Bonfontan de Lissac, Pierre Amouroux tailleur, Jean-Baptiste Séré, Brice Roques garçon du dit Séré, Jean Laffont, Armand Ferriol, Jean Crampagne, Jean Fourès, Paul Pédoussaut, Jean Bordenave, tous armés ;… ».
ADA, L 35.
- Extrait de la déposition de Guillaume Pédoussaut, peigneur de laine, demeurant à Saverdun, 50 ans, sur la tentative d’assassinat dont il fut victime à Lissac.
« …déclare que le vingtième thermidor dernier une force armée arriva dans cette commune, à la tête de laquelle était le général Chaussey ; que dès son arrivée, il fut requis par le dit général d’aller servir de guide à la troupe qui devait se rendre à Lézat ; que la troupe étant partie vers les neuf heures du soir, et arrivés vis-à-vis le chemin de traverse qui conduit à Gaillac, le général dit qu’il fallait passer par Lissac, où étant parvenus à la faveur d’une grande obscurité, et arrivés devant l’église, on entendit un grand bruit dans un cabaret vis-à-vis la dite église, lequel cabaret était dans la maison du dénommé Gaubert dit… aubergiste ; qu’alors et de l’ordre du général on heurta à la porte, que quelqu’un du dit cabaret vint ouvrir de suite ; que la gendarmerie étant entrée dans le dit cabaret, avec lui qui déclare, on y trouva plusieurs jeunes gens de la conscription et de la réquisition tous armés de fusils, sabres ou bâtons qui furent arrêtés au nombre de seize individus, parmi lesquels il y avait néanmoins quelque citoyen au dessus de l’âge de la dite conscription et réquisition ; que tandis que les gendarmes étaient occupés à s’assurer des personnes de ces individus en les attachant, lui qui déclare sortit de la dite maison et s’arrêta devant la porte où un soldat de la dite armée lui fit remarquer qu’à une petite distance il y avait un rassemblement ; que voulant voir de ses propres yeux si se rassemblement existait, il fit quelques dix à douze pas en avant vers la maison du citoyen Sol où quelqu’un le frappa tout à coup sur son oreille droite d’un coup de barre qui l’étendit par terre où tant l’individu que d’autres continuèrent de l’accabler de divers coups de sabres et d’autres instruments sur tout le reste de son corps en lui enlevant son chapeau et son sabre sans fourreau, le dit fourreau avec le baudrier ayant restés suspendus sur son corps ; que lui qui déclare ayant de suite crié : « Gendarmes, on m’assassine » et les dits gendarmes ayant accouru, ne purent se saisir des dits assassins, parce qu’ils prirent la fuite dès l’instant qu’ils l’eurent frappé, en emportant le dit sabre et le dit chapeau ; que lui qui déclare se trouvant excédé et dans un état où il ne fut pas possible de le mettre sur un cheval pour être transporté chez lui dans cette commune à cause des grandes meurtrissures répandues sur son corps, notamment sur sa tête et sur son bras droit par où il répandait beaucoup de sang, le général Chaussey le fit remettre chez l’agent municipal du dit Lissac auquel il donna ordre d’en avoir tout le soin possible, en ajoutant qu’il en répondait corps pour corps ; qu’étant chez le citoyen Jean Vidal, agent municipal, celui-ci, sa femme et sa mère lui accordèrent en effet tous les soins qu’on peut attendre de l’humanité ; que le lendemain matin lui qui déclare ayant fait son possible pour faire chercher une charrette afin de le faire transporter dans sa maison, l’agent municipal vint lui annoncer que le nommé Ducassé, marchand de bois de St-Quirc s’était offert de venir avec sa charrette et son cheval, mais que les habitants de St-Quirc l’en avaient empêché sous les menaces les plus fortes, que s’il entreprenait de venir avec sa charrette et cheval on achèverait de tuer le déclarant et qu’on le tuerait à lui-même ; qu’alors, lui qui déclare, ayant convenu avec l’agent municipal de lui procurer une bourrique et qu’il viendrait lui-même avec sa femme l’accompagner, ce qui fut de suite exécuté ; que l’agent ayant pris toutes les précautions qui paraissaient les plus favorables pour le faire arriver en toute sécurité chez lui, soit en le faisant passer par le derrière et parvenir au grand chemin sans être aperçus et où ils ne furent pas sitôt arrivés qu’un groupe de gens, hommes, femmes et enfants, les hommes armés et deux des enfants d’environ l’âge de douze ans ayant au bout d’un bâton une lame de couteau attachée avec une corde, desquels lui qui déclare reconnut parfaitement bien le nommé Antoine Fusiès dit Marquet père et Germain Fusiès son fils, lequel dit Marquet père prenant la parole dit qu’il ne fallait pas que le déclarant s’en retourna chez lui, mais qu’il resta à Lissac ; qu’alors lui qui déclare lui répondit : « Pourquoi ne voulez-vous pas que je m’en aille chez moi me faire guérir de mes blessures ; je ne vous ai jamais rien fait, au nom de Dieu, laissez-moi m’en aller » ; que de suite la femme du nommé Paulère, homme d’affaires du citoyen Sol du dit Lissac lui répondit : « Vous croyez de vous en aller chez vous, non, dit-elle, vous risquez de ne plus y revenir et on vous attend à un autre endroit où vous ne serez pas si à votre aise » ; que le dit Vidal, agent municipal, leur ayant représenté qu’il fallait que le déclarant s’en fut chez lui vu l’état où il était, qu’il en avait répondu corps pour corps et qu’on l’exposait beaucoup à lui-même, le dit Antoine Fusiès père, dit Marquet, lui répliqua : « Vous n’avez rien à craindre, il n’y a plus de République, si vous le laissez partir votre vie en dépend et votre maison sera détruite » ; qu’alors lui qui déclare dit à l’agent municipal : « Je ne veux pas vous exposer, retournez-moi chez vous, j’aime mieux y périr plutôt que rien ne vous arrive, il en sera ce qu’il en pourra » ; qu’étant en conséquence revenu chez l’agent municipal, celui-ci de même que sa femme et sa mère y continuèrent à son égard les mêmes soins et où sa femme vint les partager ; qu’ayant resté dans la dite maison jusqu’au lendemain vingt deux du dit, à sept heures, dix à douze hommes armés, du nombre desquels étaient les dits Fusiès, père et fils, tous armés qui vinrent l’arrêter en lui disant qu’il fallait marcher à Ste-Gabelle ; et comme lui qui déclare demandait le temps nécessaire pour s’habiller et qu’il les qualifiait dans sa demande de citoyens, « Point de citoyen » répliqua le dit Fusiès père, lequel ayant vu le baudrier et le fourreau du sabre sur une chaise, se saisit de l’un et de l’autre, et tous ensemble se saisirent du déclarant qu’on fit marcher à pied et le conduisirent au dit Ste-Gabelle quoique dans l’état le plus triste, en observant que par tout le chemin on l’accabla de même qu’à sa femme qui l’accompagnait de toutes les insultes les plus aggravantes principalement le fils du dit Fusiès ; qu’étant ainsi arrivés au dit Ste-Gabelle et l’ayant fait conduire devant la maison commune pour le faire enfermer dans la prison, le fils cadet de Donnadieu meunier au Moulinadou dans la commune du dit Ste-Gabelle avec environ deux cents déserteurs ou conscrits se trouvèrent devant la dite maison commune, où le dit Donnadieu apercevant le déclarant, l’approcha et lui dit : « Ah, te voilà ! Coquin ! Il y a bien longtemps que je t’attendais. Demain tu seras fusillé », et, en se retournant vers la troupe leur dit : « Voilà ce coquin qui a été enfoncer les portes des réquisitionnaires, et puis les a brûlés dans leurs maisons » ; que sur ce propos la troupe regardant avec indignation le déclarant, l’un le frappait à coups de poing, l’autre avec le plat du sabre et l’autre le menaçant jusqu’enfin qu’il fut dans les prisons, d’où il fut transféré le vingt quatre aux prisons d’Auterive et d’où il sortit le vingt huit du dit, jour auquel la colonne républicaine de Villefranche entra à Auterive ; et qu’enfin le sabre et le baudrier lui ont été rendus par le dit Vidal, agent municipal de Lissac, à qui la femme du dit Fusiès dit Marquet l’avait remis sur le rapport que lui en a fait le dit Vidal ;… ».
ADA, L 45.
6.- D’après G. Arnaud, Guillaume Pédoussaut, Histoire d’un gendarme ariégeois sous la Révolution française, BSA, 1895-1896, p.122 à 133.
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